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Henri Matisse, huile sur lin / oil on linen, 31cmX31cm, 2011 |
A painter
has really no serious enemies like his bad paintings. Matisse
(Le français suit.)
There are
very down-to-earth reasons why, once in a while, I destroy some of my works.
Storage issues for instance. I’ve been painting up to 60-80 works per year for
over 10 years (and some works are as big as 8’X12’). So, storage is definitely
something I think about. Making space clears my mind. It’s refreshing. It sets
the ground for something new. Also, the possibility of reusing stretchers, and therefore
not having to build new ones, is valuable. But as Matisse rightly points out,
the main reason for destroying works is artistic. It’s part of a good artistic
hygiene. We forget that creation often comes out of the destruction of what
precedes. My advice is: get rid of your enemies! Looking at a work, I ask
myself: “Is this an imprint I want to leave for the world?” If the answer is no
or not really, than the work has no other value than the one of the canvas it’s
painted on. But you might ask how do I REALLY know. I don’t. I just feel it.
Sometimes, it can take up to 10 years before I can decide if a work is good or
not. Until that time, I’m still too tied to the concerns it expresses.
Sometimes, I can decide after just a few months. Some works are part of
experiments that led nowhere, some are so apart from what I do now that I can’t
reconcile with them, some have technical defects, some are just too plain
compared to other works from the same series, some have sentimental value but
no artistic value, etc. All these reasons are good for destroying a work. And
unlike certain artists, when I destroy a work, there’s no fancy ritual. I don’t
dance naked around a bonfire. Also, I’m not so famous that I have to cut them
to pieces in fear that people might comb through my garbage. It just goes
straight to the garbage can. No regret.
We only
know around thirty works by Vermeer. So, it’s not the quantity that counts,
it’s the quality. You have to be able to be your own judge. After all, every
artist is his first viewer. What’s most important for me is the coherence of
the vision. The strength of the gaze. And it must suffer no half-measures.
***
Un peintre n’a
d’ennemi que ses mauvais tableaux. Matisse
Il y a plusieurs
raisons très terre-à-terre pour lesquelles je détruis certaines de mes toiles.
Récupérer de l’espace de rangement par exemple. Je peins jusqu’à 60-80 œuvres
par année depuis plus de dix ans (et certaines ont jusqu’à 8’X12’). Alors, le
rangement est décidément un élément à considérer. Faire de la place me libère
l’esprit. Ça met la table pour du nouveau. Aussi, la possibilité de réutiliser
les faux-cadres et donc de ne pas avoir à en construire de nouveaux a sa
valeur. Mais comme Matisse le dit si bien, la raison principale pour détruire
des tableaux est artistique. Ça fait partie d’une bonne hygiène artistique. On
oublie trop à quel point la création naît souvent de la destruction de ce qui
précède. Mon conseil est : débarrassez-vous de vos ennemis! Regardant une
de mes œuvres, je me demande : «Est-ce une empreinte que je veux laisser
au monde?» Si la réponse est non ou pas vraiment, alors l’œuvre n’a d’autre
valeur que celle de la toile sur laquelle elle est peinte. Mais vous allez me
demander comment je peux VRAIMENT savoir. Je ne sais pas. Je le sens. Parfois,
ça peut prendre jusqu’à 10 ans avant que j’aie le recul nécessaire pour
décider. Avant cela, je suis encore trop attaché aux enjeux que l’œuvre met en
scène. D’autres fois, je peux décider après quelques mois seulement. Certaines
œuvres sont des expérimentations qui ont mené nulle part, certaines sont si
différentes de ce que je fais actuellement que je n’arrive pas à me réconcilier
avec elles, certaines ont des défauts techniques, certaines sont simplement
ternes comparées à d’autres œuvres de la même série, certaines ont une valeur
sentimentale mais aucune valeur artistique, etc. Toutes ces raisons sont
bonnes. Et à la différence de certains artistes, quand je détruis une œuvre, il
n’y a pas de rituel élaboré. Je ne danse pas nu autour du feu. Aussi, je ne
suis pas si connu qu’il m’est nécessaire de les réduire en lambeaux par crainte
que les gens épluchent mes poubelles. Ça va directement à la poubelle. Sans
regret.
Nous ne connaissons
qu’une trentaine de tableaux par Vermeer. Alors, ce n’est pas la quantité qui
compte mais la qualité. Il faut être son propre juge. Après tout, chaque
artiste est son premier spectateur. Ce qu’il y a de plus important est la
cohérence de la vision. La force du regard. Et celle-ci ne saurait souffrir aucune
demi-mesure.
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Paintings on death row / Tableaux dans le couloir de la mort |
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