27/05/2012

Printemps québécois

Printemps québécois, huile sur lin, 196cmX122cm, 2012



Voici une copie de la lettre que j'ai envoyée à Vincent Auclair, député libéral de ma circonscription, le 19 mai 2012.


Bonjour M. Auclair,

Je n’ai jamais été tellement ému par la chose politique. À l’âge de 10 ans, j’ai bien envoyé une lettre à Brian Mulroney alors Premier Ministre pour lui demander de sauver les canards mais à part ça, rien de plus. Je ne suis pas abonné aux tribunes d’humeur et la partisanerie me donne des boutons.

Je vous écris parce qu’il m’arrive quelque chose de sans précédent. Depuis plusieurs mois, je suis totalement passionné par le conflit étudiant que votre gouvernement entretient avec tant de zèle. J’en suis avide. Je regarde la moindre nouvelle télévisée s’y rapportant, je lis les blogs, etc. Pourtant, j’ai terminé mes études depuis un bon moment. Mais je me revois à l’époque et je me demande si j’aurais poursuivi mes études avec la hausse annoncée. Je crois que non. J’étais pourtant très sérieux et j’avais d’excellents résultats (j’étais en douance, du genre qui joue à Génie en herbe) mais je n’ai pas bénéficié du support financier de mes parents qui gagnaient cependant trop pour que j’obtienne des bourses. Alors, avec votre hausse, je serais sorti du bac avec environ 20 000$ de dettes. Pour un artiste-peintre qui débute sa carrière, admettons que c’est un handicap important. Alors, je pense aux étudiants d’aujourd’hui et je suis triste de ce que vous leur imposez. Lesquels seront sacrifiés, lesquels lourdement endettés ? Mais surtout, pourquoi ?

L’argument du financement des universités est un faux prétexte. Les universités doivent être au service des étudiants… et non l’inverse ! L’enjeu de fond est l’accessibilité aux études. Pourquoi voulez-vous la restreindre ? Pourquoi voulez-vous retirer lentement l’État de ce rôle qui est si fondamental ? Quand je pense à ce qui a fondé le Québec moderne, je pense entre autres avec fierté à l’accessibilité universelle à l’éducation et aux soins de santé. Et je crois qu’en plus de la culture, c’est le fait de chérir à ce point ces deux piliers qui nous distingue de nos voisins américains et qui fait que nous ne sommes pas une province comme les autres. Alors, lorsque vous ânonnez que les frais de scolarité sont beaucoup plus bas qu’ailleurs et le resteront après la hausse, vous oubliez quelque chose de crucial. Ici, nous sommes au Québec.

Les conséquences à long terme de votre décision me font très peur. Bien plus qu’un pet de fumée sur une rame de métro. Remettre en cause l’idéologie qui sous-tend cette hausse devrait être le véritable enjeu de la crise actuelle qui déborde largement, dans ses implications, le cadre étudiant. Ce sont les piliers mêmes du Québec qui sont ébranlés.

Enfin, bravo pour le spectacle. La condescendance intransigeante affichée à l’égard des étudiants, le vaudeville qu’a été cette négociation de façade, vos provocations savamment orchestrées pour faire dérailler les manifestations, tout cela vous a bien servi. Aux yeux de l’électeur moyen, vous arborez maintenant un masque d’«ordre» et de «raison». C’est littéralement prodigieux considérant la corruption systématique de votre parti ! Suffit qu’il fasse croire à un monstre plus terrible que lui (ici, la jeunesse révoltée) pour que le loup se transforme en chien de garde et qu’on puisse enfin considérer de voter pour lui.

Néanmoins, votre stratégie machiavélique demeure hautement risquée. Vous vous attaquez aux valeurs fondamentales du Québec et risquez bien de réveiller tous les pans de la société comme vous l‘avez fait avec moi. Vous faites le pari que la peur de quelques casseurs infiltrés sera plus grande et plus durable que le cri du cœur d’une génération complète qui est sacrifiée auquel se greffe celui de tous ceux qui ont la clairvoyance de voir que vous vous attaquez à ce que nous avons de plus cher : l’accessibilité aux études, la liberté d’expression et d’association.

Je vous prédis des lendemains douloureux. Les prochaines élections seront un couperet qu’aucune loi spéciale ne pourra adoucir. Je me vois déjà aller voter avec ma famille, mes amis, mes voisins, humant les fleurs et sautillant !

Sincèrement,

Mathieu Laca
Artiste-peintre
info@mathieulaca.com
***mon adresse***
(circonscription de Vimont)
***mon numéro de téléphone***

23/05/2012

Interview in Xtra Magazine

 Autoportrait au fond vert / Self-portrait on Green Ground, huile sur lin/oil on linen, 92cmX122cm, 2012


"Montreal artist Mathieu Laca is a unique voice in Canadian art. Strong in homoerotic and symbolic content, his work echoes the reality of how I experience life through the mind: a jungle, beautiful and wild, scary and scattered, surreal and full of symbols I try to decipher and often fail to grasp — the more basic, banal and truly bestial nature of myself, an animal; myself an intellectual hungry for meaning; myself emotional, reacting with disgust, fear and sometimes, very rarely, with abandon and laughter."

Sinita Fejzic in Xtra Magazine, click here to read the interview »

Delacroix

Eugène Delacroix, huile et pigments traditionnels sur lin / oil and traditional pigments on linen, encadrement à gorge en chêne avec appliques sculptées dorées à la feuille bigarrée bleue / oak shadow box with carved onlays gilded blue variegated gold leaf77cm X 62cm, 2012, 2200$



Delacroix était un véritable romantique. Son œuvre exprime une vulnérabilité portée à l’échelle de l’épique. Sa vision tumultueuse de la vie, son intensité continuent de m’émouvoir. La vie est une lutte incessante qui peux porter d’incroyables merveilles si on l’étreint jusqu’à la moelle.

«Le résultat de mes journées est toujours le même : un désir infini de ce qu’on n’obtient jamais, un vide qu’on ne peut combler, une extrême démangeaison de produire de toutes les manières, de lutter le plus possible contre le temps qui nous entraîne, et les distractions qui jettent un voile sur notre âme…» Delacroix, Journal, 1824

Delacroix was a true romantic soul. His work expresses vulnerability on an epic scale. His tumultuous vision of life, the intensity of it, continues to move me. Life is a constant struggle that can bear incredible marvels if you embrace it to the core.


***


Ci-dessous, un détail du cadre. Comme la peinture, l'encadrement fait écho à la tradition. Il cite des motifs traditionnels de la sculpture décorative par l'ajout d'appliques dorées à la feuille bigarrée bleue sur le côté droit du pourtant très moderne encadrement à gorge en chêne.
 
Below is a detail of the frame. Just as the painting, the framing also refers to tradition. It quotes traditional woodcarving patterns with blue variegated gold leaf onlays on the right side of the otherwise very modern oak shadow box.








Mon portrait a été peint en utilisant seulement des pigments qui étaient disponibles pour Delacroix à son époque. Ci-dessous, vous trouverez la répartition de quelques-uns de ces pigments. Cliquez ici pour plus de détails sur ma recherche à propos des pigments traditionnels (texte en anglais).


My portrait was painted using only pigments that were available to Delacroix in his time. Below is how a few of those pigments are distributed in my work. Click here to read more on my research about traditional pigments.









Eugène Delacroix, La mort de Sardanapale, 1827


21/05/2012

Choix de société, dites-vous ?

Mathieu Laca, Étude d'écorché, 2012

En connaissez-vous, vous, des gens qui sont du bon bord des « choix de société » ?

C’était pas le cas de mon père. Né en 1911, il a perdu ses deux parents en 1918 dans une épidémie. À ce moment, la Société avait décidé que les orphelins n’avaient pas droit à la moindre protection. Il a quitté l’école à 7 ans et a été placé comme garçon de ferme. En manipulant un outil de ferme, il a perdu les 4 doigts de sa main droite. La Société avait décidé que personne n’avait droit aux soins de santé gratuits, encore moins les orphelins ; on lui recousu les trous tant bien que mal et «qu’il s’arrange». Lorsqu’il a été jugé assez vieux pour «s’arranger» on lui a dit de se trouver un emploi… avec 4 doigts en moins et une 2e année non terminée. Il est devenu bedeau ; un curé l’a engagé… «par charité». Quand il est décédé en 1970, il ne faisait pas $100 par semaine. Il a construit sa maison avec une main et demie, avec des matériaux souvent recyclés, ou donnés, ou achetés en solde. Aucune aide de personne, surtout pas de la Société. Il s’est débattu comme il a pu.

C’était pas le cas de ma mère. C’était une artiste. Placée en pension à l’âge de 5 ans à cause d’un père alcoolique et incestueux, elle a reçu des bonnes sœurs le goût des arts. Elle a baisé avec mon père qu’elle n’aimait pas vraiment, est tombée enceinte ; la Société a décidé que, amour ou non, ils devaient se marier. Elle a eu le goût du théâtre ; c’était une tragédienne née. La Société l’a copieusement traitée de traînée, de femme de mauvaise vie, de putain. Les curés (les patrons de mon père et grands patrons de la Société) l’ont tourmenté pour qu’elle cesse le théâtre et fasse des enfants. Elle a résisté pour les enfants mais sous la menace de mon père, elle a abandonné le théâtre. Elle est devenue plus ou moins folle transportant son goût du théâtre de la scène à la vie. Elle était invivable. Elle s’est débattu comme elle a pu.

C’était pas non plus mon cas. À cinq ans, je préférais me travestir avec les robes de ma mère plutôt que de jouer au hockey. La Société m’a tapé dessus jusqu’à ce que je rentre dans mon trou. Je me suis retrouvé dans le camps de ma mère : dessin, peinture, modelage, bricolage et enfin… théâtre. Mais seul. Insupportablement seul. Seul à l’école. Seul dans le jeux. Je me suis débattu comme j’ai pu.

Je suis entré aux études supérieures la gueule enflée, des bosses sur la tête et des pantalons déchirés. Parti de mon patelin natal, j’ai cherché à échapper aux «choix de société». Fils de bedeau et de comédienne déchue, j’étais cassé. Je travaillais tous mes étés. Avec ce peu d’argent, j’ai payé mes frais de scolarité et coupé au maximum sur le «baloney» pour tenter d’oublier que j’étais du mauvais bord des «choix de société» : j’ai bu, j’ai fumé, j’ai «droppé», j’ai «sniffé». Je me suis débattu. Huit tentatives de suicide plus tard, j’ai reçu mon diplôme : Maîtrise es Arts en linguistique, spécialisé en phonétique expérimentale. Pendant que je me tuais (sans jeu de mots) à compléter un B.A, une Licence en Lettres et ma Maîtrise, les gars en science développaient l’informatique qui permettait de faire en trois secondes ce que j’avais appris à faire en six mois en laboratoire. Pas du bon bord des «choix de société».

Je me suis débattu. Je suis allé enseigner le Français au secondaire. Il y a 35 ans de ça, le milieu scolaire n’était pas très sympathique aux homosexuels. Faire la liste des chienneries que j’ai endurées parce que j’étais du mauvais bord des «choix de société» serait pathétique. J’ai fini par canaliser ma frustration en m’improvisant plus ou moins travailleur social : j’ai aidé à sauver la vie de quelques ados qui étaient du mauvais bord des «choix de société». Je les aidais à se débattre comme ils le pouvaient. J’ai reçu de la merde des parents, des autorités scolaires, de la Commission Scolaire, des directeurs de pastorale, des confrères professeurs, d’un bon nombre d’étudiants. On m’a traité de pédophile, de Satan ; on m’a dit de me mêler de mes affaires, on m’a menacé de poursuites, on a déposé des griefs contre moi. Certaines personnes, étudiants, professeurs et directeurs changeaient de côté de corridor lorsqu’ils me voyaient. Et ça, c’est ce que je savais…

Lorsque j’ai eu 57 ans, la Société a fait le choix de me laisser marier qui je voulais. Ce que je ne savais pas, c’est que la Société tolérait que j’épouse «Mon homme» mais qu’elle en avait contre le fait qu’il était beaucoup plus jeune que moi. Encore aujourd’hui, je suis incapable de répéter certaines bassesses que j’ai dû essuyer. Aux yeux de certains, mon «jeune époux» était carrément une victime. Je me débats contre les préjugés comme je le peux.

Mon mari est gay ! Mon mari a eu une adolescence de merde. Mon mari a fait des études universitaires sans l’aide de sa famille. Mon mari s’est fait regarder tout croche parce qu’il épousait un vieux. Mon mari est artiste. Mon mari peint sa colère comme il le veut. Mais, heureusement, mon mari est un génie.

Maintenant, on est deux pour se débattre comme on le peut. La différence est énorme. On est heureux !

Endettement des étudiants, gratuité scolaire, financement des universités, etc. Quand va-t-on comprendre que derrière tous ces combats légitimes qui se soldent par des «choix de société» il n’y a qu’une seule certitude : dans la Société il y a ceux qui sont nés avec le nom Charest, Desmarais, Péladeau et ceux qui sont invariablement nés du mauvais bord des «choix sociaux». À ceux qui me diront : «C’est comme ça que ça marche, la Société c’est la Société et c’est la majorité qui gagne», je réponds : «Fuck You» !

Comeau

19/05/2012

Lettre à mon député libéral

Printemps québécois, huile sur lin, 196cmX122cm, 2012



Voici une copie de la lettre que j'ai envoyée à Vincent Auclair, député libéral de ma circonscription, le 19 mai 2012.


Bonjour M. Auclair,

Je n’ai jamais été tellement ému par la chose politique. À l’âge de 10 ans, j’ai bien envoyé une lettre à Brian Mulroney alors Premier Ministre pour lui demander de sauver les canards mais à part ça, rien de plus. Je ne suis pas abonné aux tribunes d’humeur et la partisanerie me donne des boutons.

Je vous écris parce qu’il m’arrive quelque chose de sans précédent. Depuis plusieurs mois, je suis totalement passionné par le conflit étudiant que votre gouvernement entretient avec tant de zèle. J’en suis avide. Je regarde la moindre nouvelle télévisée s’y rapportant, je lis les blogs, etc. Pourtant, j’ai terminé mes études depuis un bon moment. Mais je me revois à l’époque et je me demande si j’aurais poursuivi mes études avec la hausse annoncée. Je crois que non. J’étais pourtant très sérieux et j’avais d’excellents résultats (j’étais en douance, du genre qui joue à Génie en herbe) mais je n’ai pas bénéficié du support financier de mes parents qui gagnaient cependant trop pour que j’obtienne des bourses. Alors, avec votre hausse, je serais sorti du bac avec environ 20 000$ de dettes. Pour un artiste-peintre qui débute sa carrière, admettons que c’est un handicap important. Alors, je pense aux étudiants d’aujourd’hui et je suis triste de ce que vous leur imposez. Lesquels seront sacrifiés, lesquels lourdement endettés ? Mais surtout, pourquoi ?

L’argument du financement des universités est un faux prétexte. Les universités doivent être au service des étudiants… et non l’inverse ! L’enjeu de fond est l’accessibilité aux études. Pourquoi voulez-vous la restreindre ? Pourquoi voulez-vous retirer lentement l’État de ce rôle qui est si fondamental ? Quand je pense à ce qui a fondé le Québec moderne, je pense entre autres avec fierté à l’accessibilité universelle à l’éducation et aux soins de santé. Et je crois qu’en plus de la culture, c’est le fait de chérir à ce point ces deux piliers qui nous distingue de nos voisins américains et qui fait que nous ne sommes pas une province comme les autres. Alors, lorsque vous ânonnez que les frais de scolarité sont beaucoup plus bas qu’ailleurs et le resteront après la hausse, vous oubliez quelque chose de crucial. Ici, nous sommes au Québec.

Les conséquences à long terme de votre décision me font très peur. Bien plus qu’un pet de fumée sur une rame de métro. Remettre en cause l’idéologie qui sous-tend cette hausse devrait être le véritable enjeu de la crise actuelle qui déborde largement, dans ses implications, le cadre étudiant. Ce sont les piliers mêmes du Québec qui sont ébranlés.

Enfin, bravo pour le spectacle. La condescendance intransigeante affichée à l’égard des étudiants, le vaudeville qu’a été cette négociation de façade, vos provocations savamment orchestrées pour faire dérailler les manifestations, tout cela vous a bien servi. Aux yeux de l’électeur moyen, vous arborez maintenant un masque d’«ordre» et de «raison». C’est littéralement prodigieux considérant la corruption systématique de votre parti ! Suffit qu’il fasse croire à un monstre plus terrible que lui (ici, la jeunesse révoltée) pour que le loup se transforme en chien de garde et qu’on puisse enfin considérer de voter pour lui.

Néanmoins, votre stratégie machiavélique demeure hautement risquée. Vous vous attaquez aux valeurs fondamentales du Québec et risquez bien de réveiller tous les pans de la société comme vous l‘avez fait avec moi. Vous faites le pari que la peur de quelques casseurs infiltrés sera plus grande et plus durable que le cri du cœur d’une génération complète qui est sacrifiée auquel se greffe celui de tous ceux qui ont la clairvoyance de voir que vous vous attaquez à ce que nous avons de plus cher : l’accessibilité aux études, la liberté d’expression et d’association.

Je vous prédis des lendemains douloureux. Les prochaines élections seront un couperet qu’aucune loi spéciale ne pourra adoucir. Je me vois déjà aller voter avec ma famille, mes amis, mes voisins, humant les fleurs et sautillant !

Sincèrement,

Mathieu Laca
Artiste-peintre
info@mathieulaca.com
***mon adresse***
(circonscription de Vimont)
***mon numéro de téléphone***