28/04/2012

Du sang dans les chaussons (Blood in the Ballet Pumps)

Mathieu Laca, Rose Sélavy (Portrait de Marcel Duchamp), huile sur lin / oil on linen, 46cmX38cm, 2012

 (Enflish follows)
J’ai toujours eu une admiration inconditionnelle pour les danseurs; surtout les danseurs classiques. Quand j’étais enfant, mon plus grand rêve était de devenir danseur; je me voyais en Barychnikov ou, pour être bien sincère, plutôt en Margot Fonteyn. Les costumes sont tellement plus grandiooooses!! Je me voyais en chaussons à pointes emporté frénétiquement en dizaines de piqués légers de jardin à cour, pendant que la foule en délire hurle des bravos, éblouie par une pétarade de minuscules éclairs projetés par les millions de paillettes qui tombent en cascade sur les flancs légers de mon tutu rose. Ça, c’est mon petit côté Drag Queen! Au fait, vous pouvez le deviner, j’ai adoré le film Black Swan! Maaaagnifique! Et, tant qu’à y être, puisque je dois crever un jour ou l’autre, je demande au Ciel de m’accorder la grâce de mourir les tripes transpercées d’un éclat de miroir souillé de MakeUp, en hurlant à fendre l’âme pendant que des milliers de petites plumes volent partout, soufflées par trois gros ventilateurs en coulisses, et qu’elles vont griller aux cintres de la scène sur les réflecteurs fumants. Je vois la scène d’ici. Maaaagnifique. Surtout que je n’ai pas l’intention de crever avant l’âge de 96! Fêter mes 96 ans sur des chaussons à pointes et en tutu rose! Si la Providence m’accorde cette faveur, je me considèrerai quitte pour l’enfance merdique que j’ai eu à endurer à tenter de m’insérer quelque part dans les équipes de hockey qui me rappelaient à grandes taloches derrière la tête et à coups de pieds au cul que les fifs n’ont pas d’affaire dans les jeux de gars.

Je vous demande pardon! Il m’arrive, comme ça, que je me laisse emporter! Pour en revenir à mon admiration inconditionnelle pour les danseurs classiques, je voudrais souligner le fait que l’on n’apprécie pas la valeur d’un danseur à ses performances sur scène mais à la quantité de sang dans ses chaussons. Et croyez-moi, cela vaut tout autant pour l’art visuel.

Savoir comment construire un bon faux-cadre, comment choisir la bonne toile de lin et la tendre selon les règles de l’art, savoir bien appliquer le bon gesso… Savoir travailler le gesso traditionnel, celui qui pue et qui craque. Savoir préparer et appliquer la nauséabonde colle de peau qui ressemble plus ou moins à de la vomissure de lendemain de veille. Savoir comment s’y prendre pour polir la surface sans suffoquer. Savoir fabriquer sa propre peinture en broyant les pigments avec cette grosse mollette de six pouces qui tourne inlassablement en faisant d’érotiques bruits de succion; se faire des tendinites jusqu’au jour où on finira par pouvoir se payer quelque tubes de peinture Michael Harding… ou jusqu’au jour où l’on tombe d’inanition parce que, voulant finir de broyer son tube, on a oublié de manger. Savoir travailler l’encaustique sans se brûler au troisième degré. Savoir peindre à la tempera sans devenir aveugle… ou carrément fou. Savoir appliquer le lapis lazuli et l’orpiment sans s’empoisonner. Savoir… Savoir… Savoir… apprendre… ne jamais cesser d’apprendre… toujours se poser des questions… chercher les réponses sans se décourager.. ne jamais accepter le moindre compromis. Ça, c’est le sang dans les chaussons du peintre!

Comme on est loin d’aller s’acheter trois ou quatre tubes chez Omer, un beau petit canevas déjà stretché tout prêt puis un petit pinceau en éventail, et de s’installer dans la joie et l’allégresse pour peindre un beau petit bouquet de fleurs dans un gentil petit pot en forme de lapin neurasthénique!


 
Blood in the Ballet Pumps

I have always admired dancers; especially classical dancers. When I was a kid, becoming a great dancer was my biggest dream; I could see myself as Barychnikov or, to be really frank, as Margot Fonteyn since the costumes were so much more faaabulous, wearing blocked shoes and tiptoeing through the stage while spectators were cheering, blinded by the reflection of thousands of spotlights on the countless sequins sewed on my marvelous pink tutu. That’s my flaming queen side. By the way, I just loved Black Swan! So faaabulous! And, since I have to die one day or another, I hope that the Almighty with let me die with a piece of broken makeup stained mirror stuck in my belly, screaming and loosing white feathers all over the place. I can imagine the scene; especially since I expect to die being at least 96! So faaabulous! At least that would make up for the shitty youth I had trying to fit somehow in the local hockey team!

Forgive me! I sometimes get carried away like that! Coming back to my admiration for ballet, I would like to stress the fact that the best way to appreciate a dancer is not through her performance on stage but through the amount of blood in her pumps. And I believe that it goes for visual art as well.

Knowing how to build the right stretcher, how to choose and stretch the appropriate canvas, to apply the right amount of gesso, the right kind of gesso… Knowing how to work with traditional gesso. Knowing how to prepare and apply that stinking rabbit skin glue. Knowing how to polish the surface. Knowing how to make your own paint with that huge 6” diameter glass muller until you can afford these Michael Harding’s tubes or until you faint from exhaustion. Knowing how to handle encaustic paint. Knowing how to apply tempera. Knowing… knowing… knowing… learning… never stopping to learn… always asking questions… always looking for answers… never accepting not even the least compromise, that’s the blood in the painter’s pumps!

How far are we from getting a couple of cheap tubes at the local art store and painting a nice look-alike bunch of flowers in a shiny gold pot.

That too makes the real artist!

Comeau

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