(English follows)
Même le directeur de
l’école convenait que ce n’était pas un jeune comme les autres. Son professeur
d’art disait à qui voulait l’entendre qu’elle était fascinée de ce qu’il
pouvait produire simplement avec un bout de papier et un crayon. Devant tant de
preuves de son talent exceptionnel et se rendant aux pressions de plusieurs
adultes, le directeur d’école a fini par dénicher quelque part une pièce
bizarre qui avait été engendrée par deux rénovations mal planifiées, une pièce
toute en longueur inutilisable pour des fins scolaires qu’on a vite nommée «l’autobus»
à cause de sa forme. Cette garde-robe surdimensionnée ou plutôt cet entrepôt
négligé est devenu son atelier personnel. C’est fascinant de constater comme
les administrateurs scolaires peuvent se transformer en véritables magiciens
lorsqu’ils font face à un problème insoluble qui leur fait un peu peur! Surtout
lorsqu’ils craignent que ce problème un tantinet explosif puisse ternir la
réputation de leur institution. Un élève trop brillant mais triste et renfermé
c’est une grenade dégoupillée pour eux!
Au bout de quelques
mois à suer sur des dessins, des peintures et des sculptures, après des
centaines d’éclaboussures d’acrylique et d’encre de Chine, un soir, il se fit
encore plus discret qu’à l’habitude, si tant est que la chose soit possible.
C’est tout juste si on entendait le frottement du bâton de graphite sur la
grande feuille de papier épinglée au mur. Honnêtement, je ne suis pas vraiment
sûr qu’il respirait.
Au début, ce n’était
rien d’autre qu’un amas de lignes et de courbes désorganisées. Puis, je le vis
apparaître : un être désespéré arrachait de grands pans du mur derrière
lequel il était prisonnier. Un être troublé, déchiré. Un personnage tragique…
un drame. Un personnage qui retient depuis trop longtemps un hurlement. Un être
tentant désespérément de crier toute la douleur emprisonnée dans son corps trop
frêle, cette insoutenable douleur que bien peu de gens savaient voir. Un être
qui s’est figé dans cet état, un être qui n’a jamais crié, qui n’a jamais
hurlé. Une douleur fossilisée dans une nuit insondable.
Ce soir-là, j’ai
compris qu’il pourrait probablement sourire un jour. Il venait de découvrir que
le bonheur est possible malgré tout, malgré l’angoisse, malgré le chagrin,
malgré la solitude, malgré… Que grâce à l’Art, le bonheur est possible.
Ce soir-là, pour la
première fois, il avait fait l’amour à un tableau, il venait d’embrasser l’Art.
Comeau
The First Time He Made
Love to Art
The drawing is a mighty large one: 41” X 49”. In his catalog of works, it bears the number D99005. So it was made in 1999. I remember, it was early Spring, or maybe still late Winter. 1999? So he was only 16 years old. He was a very, no, terribly quiet teenager with so much sadness in his eyes that it was almost unbearable. Everybody knew there was something wrong, but what?
Even the school
principal was convinced that he was no ordinary kid. Since his art teacher was
astonished by what he could do with a simple pencil and a piece of paper, the
school administrators accepted to let him use some kind of weird room, some
residual space between two renovated classrooms. This huge wardrobe or small
stockroom became his private studio. Isn’t it marvelous miracles school
administrators can do when they are stuck with a problem they can’t solve?
Especially if they fear the problem may eventually tarnish the school’s
reputation! A very bright and much too sad kid, that’s a bomb for school
administrators.
After a few months of
working on drawings, paintings and sculpting, after many splashes of acrylic
paint and India ink, one evening, he was especially quiet. We could only hear
the scratches of a graphite stick on a large piece of paper tacked to the wall.
I’m not even sure he was breathing!
At first, it was
nothing else than unorganized lines and curves. And then, it started to appear:
a figure ripping the black wall behind which he was held prisoner. A tormented
figure. A tragic figure. A figure ready to scream. A figure ready to shout all
the pain buried in a fragile body, a body that could not bear anymore a
suffering that very few people could identify. A figure that froze just like
that, a figure that never screamed, never shouted.
After that, he started
to smile more and more. We could see he discovered that happiness is possible
even if your life is too dark. That happiness is possible through art.
That evening, for the
first time, he made love to art.
Comeau
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